L’approche psychocorporelle va s’adresser à notre cerveau droit, la partie qui perçoit, qui ressent, qui génère des émotions, en lui permettant d’expérimenter de nouveaux types de vécus, comme la reconnexion avec ses ressources inexplorées. Par ces nouvelles expériences, vécues dans le cabinet et soutenues dans la vie courante, la croissance neuronale peut se produire pour construire de nouveaux modes de ressentir. Une approche particulièrement indiquée dans le traitement du traumatisme.

Qu’est-ce qu’une thérapie psychocorpelle ?

Une thérapie psychocorporelle est une approche psychothérapeutique qui va prendre en compte ce que le patient amène par son discours, sa parole, son récit, mais qui va également porter son attention sur ce que manifeste son corps : son ressenti général, ses sensations internes physiologiques, ses émotions, ses sensations corporelles de bien-être ou d’inconfort. Le thérapeute va observer, interroger, proposer au patient d’observer lui-même ses ressentis, lui permettre progressivement de se connecter à cette conscience corporelle qui est bien souvent mise de côté pour privilégier le récit, l’histoire, ce qu’il sait de lui par son expérience, son vécu.

A partir de ces invitations à ressentir, va se produire une mise en conscience de ce qui se passe dans le corps quand le patient aborde tel ou tel sujet qu’il vient travailler. Cette mise en conscience va permettre d’explorer le moment présent, mais aussi des épisodes du passé, permettant ainsi d’accéder à des couches plus profondes de ces expériences. Des parts « non verbales », non encore conscientisées, et qui renferment en elles de multiples données qui vont permettre le travail thérapeutique. Cela peut être la résurgence d’une émotion enfouie, de souvenirs, de pensées, d’idées, ou encore des manifestations plus physiologiques comme un besoin de mouvement, de changement de posture. A certains moments, c’est le corps qui va guider l’esprit pour indiquer au patient son besoin, son orientation, ce qui lui manque, ou encore des ressources qu’il a en lui mais dont il n’avait pas conscience. Ce passage « par le corps » ouvre de nouveaux modes de vécus à la fois dans le cabinet mais aussi dans la vie, venant « re-programmer » la vie neuronale. On sait aujourd’hui que la fabrication de nouvelles connexions neuronales est possible jusqu’à la fin de la vie, et que l’organisation cérébrale d’un individu peut-être modifiée par l’expérience. Dans cette perspective, notre passé ne détermine pas notre présent ni notre futur, et nous avons en nous toutes les ressources nécessaires à notre résilience. Encore faut-il pouvoir les contacter, et c’est là qu’entre en jeu l’accompagnement du thérapeute.

Pourquoi se tourner vers une psychothérapie psychocorporelle ?

Parce que si nous utilisons uniquement notre cerveau gauche, celui qui raisonne et analyse, nous prenons le risque de rester à un niveau de compréhension mentale, et de passer à côté de toute une partie de notre vécu. Ce vécu « non verbal », non conscientisé, est celui qui se manifeste par le corps, les émotions, le ressenti, tout ce qui est contrôlé par notre cerveau droit. Pour y accéder, il faut pouvoir, à certains moments, se défaire du mental pour s’intéresser à ce qui se passe dans la dimension physiologique, sensitive, perceptive, émotive. Ce que nous appelons ici « le corps » constitue en fait tout ce qui n’est pas directement accessible à notre conscience, si nous n’y prêtons pas attention.

Dans le cas du traumatisme, l’entrée par le cerveau droit est d’ailleurs parfois la seule qui puisse être accessible. Comme l’explique le psychologue Mark Wolyn, spécialiste du traumatisme transgénérationnel,  » Les découvertes récentes en imagerie ont permis aux chercheurs de démêler les fonctions cérébrales et physiologiques qui « lâchent » ou se détériorent lors d’épisodes accablants. Bessel Van der Kolk, psychiatre hollandais, est connu pour ses recherches sur le stress post-traumatique. Il explique que lors d’un traumatisme, la partie du cerveau qui régit les expériences du moment présent, n’opère plus. Il apparente la terreur de se retrouver sans voix au moment du traumatisme à une épreuve qui consiste à chercher ses mots, un phénomène courant quand les chemins qu’emprunte le cerveau pour se souvenir sont entravés par la menace ou le danger. Quand les gens revient leur expérience traumatique, les lobes frontaux s’abîment, et par conséquent, ces gens ont du mal à penser et à parler. Ils ne sont plus capables de communiquer précisément ce qui se passe, ni à eux-même ni aux autres ».

Cependant, il se passe tout de même des choses pour eux : les mots, les images et les impulsions qui se diffractent après un évenement traumatique ressurgissent pour former un langage secret de la souffrance que nous portons en nous. Rien n’est perdu. Les morceaux ont simplement été égarés.

Pour « apprendre » à y prêter attention, l’approche thérapeutique psychocorpelle va s’appuyer notamment sur des méthodes qui s’approchent de la pratique de la pleine conscience, à ceci près que cette approche en pleine conscience se fait avec la présence engagée du thérapeute. Ensuite, le thérapeute va pouvoir accompagner les mouvements, les besoins, les émotions qui vont surgir de cette exploration pour amener le patient à « achever » certains vécus restés en stock, créateurs de pensées obssessionnelles ou encore de croyances limitantes, ou encore amener à des prises de consciences « complètes », c’est-à-dire à la fois corporelles et mentales, apportant une sensation que certains patients vont vivre sous forme de libération, de changement de point de vue, d’allègement.

Dans quels cas est-elle indiquée ?

L’approche psychocorporelle dans le cadre d’une psychothérapie peut répondre à des problématiques très diverses (anxiété, dépression, TOC…) Elle s’avère particulièrement indiquée dans le traitement du traumatisme simple et du traumatisme complexe, notamment parce que les résidus traumatiques ne sont pas traités par la pensée rationnelle, mais stagnent dans le vécu corporel à un état « pré-verbal ». Le traitement du traumatisme en général nécessite une approche spécifique et progressive, la création d’un lien sécurisant avec le thérapeute, dans le cadre d’un travail de long terme et spécifiquement adapté à la problématique du patient. La qualité de la relation, du dialogue et de l’écoute seront tout aussi importants que les expérimentations et mises en conscience corporelles, qui doivent être adaptées à chaque problématique.